Les Communaux de L’Hôpiteau
Les Deux-Sèvres possèdent des zones de landes, connues et reconnues pour leur intérêt écologique.
Zoom sur un site remarquable, présenté par le Conservatoire d’Espaces Naturels Poitou-Charentes.
Les Communaux de l’Hôpiteau, situés sur la commune de Boussais, en Gâtine Deux-Sèvrienne, constituent un milieu naturel à présent rare et relictuel en Poitou-Charentes, témoin des paysages de Brande du Poitou.
Ce type de lande, dominée par la Bruyère à balais (Erica scoparia), est très souvent le résultat de déboisements et se développe sur des terres pauvres et acides. Alors que la Brande du Poitou occupait près de 80 000 ha au début du XXe siècle, moins de 6 000 ha subsistent aujourd’hui.
L’autre particularité des Communaux de l’Hôpiteau réside dans la présence de près de 300 mares qui ponctuent les 18 ha du site. La clef du mystère se trouve à deux pas, à la tuilerie de l’Hôpiteau, témoin d’une activité briquetière prospère à la fin du XIXe siècle. Chacune de ces mares est le fruit du travail des hommes qui venaient en extraire l’argile blanche. La Brande était coupée pour alimenter les fours des tuileries, servir de bois de chauffe, ou encore pour confectionner des balais et construire des « loges ». Les jeunes du village gardaient chèvres et vaches dans les communaux.
L’intérêt du site est accentué par la diversité des groupements végétaux liée à des conditions d’humidité variées, des mares permanentes aux secteurs de lande sèche à bruyère cendrée. Plusieurs espèces végétales présentes dans les mares (Renoncule toute blanche, Utriculaire), ainsi que sur les chemins (Damasonium étoilé, Centenille naine), confèrent aux landes de l’Hôpiteau un fort intérêt patrimonial.
Associés à cette richesse floristique, mammifères, oiseaux, batraciens et insectes, tels que les libellules, y trouvent refuge. Nous pouvons citer quelques espèces emblématiques et rares telles que la Fauvette pitchou, le Triton crêté, ou encore la Leucorrhine à gros thorax.
L’abandon de l’exploitation des Communaux conduit inexorablement au boisement de la lande et à l’atterrissement des mares.
Devant ce constat, le Syndicat Intercommunal Environnement d’Airvault et la commune de Boussais, avec le Conservatoire comme assistant technique, ont pris la décision de préserver ce remarquable patrimoine communal inventorié en ZNIEFF et bien connu des naturalistes. Une étude (Ouest-Aménagement – 1997) a ainsi été réalisée afin de proposer, en lien avec Deux-Sèvres Nature Environnement, le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres, la Fédération Départementale des Chasseurs, l’ACCA, le CPIE du Pays de Gâtine Poitevine et le Conseil Général des Deux-Sèvres, un projet d’aménagement et de gestion.
Après la nécessaire recherche des financements auprès de l’Union européenne, de la Région Poitou-Charentes et du Département des Deux-Sèvres, les premiers travaux ont pu débuter à la fin de l’été 1999 dans un but de restauration du site, mais aussi d’expérimentation de modalités de gestion. Afin de régénérer la Brande, devenue haute et dense, des coupes ont été menées sur 2 zones-test.
L’une sera gérée par une coupe tous les 7 à 8 ans, l’autre par pâturage. C’est pourquoi, depuis 2001, des brebis Solognotes, race réputée pour être rustique, pâturent la lande sous la conduite d’un éleveur ovin de l’Hôpiteau.
Ces coupes de Brande, associées au débroussaillage d’une partie des sentiers, ont également pour objectif de favoriser la colonisation de nouvelles mares par les amphibiens. En effet, ces derniers avaient bien du mal à progresser au travers de cette Brande âgée et si dense. Afin de limiter l’atterrissement des mares, des curages ont été menés. Une mare de surface plus importante a été créée avec un profilage en pente douce des rives.
Bien que le site soit au premier abord hostile au visiteur, il offre un surprenant potentiel pédagogique lié à ses intérêts écologiques, mais aussi à son passé historique et culturel. C’est pourquoi, des animations « Nature » y sont organisées régulièrement. Un sentier d’interprétation est en projet. Les paysages de Brande, l’activité des tuiliers ou encore les différentes espèces animales ou végétales fréquentant les lieux, seront portés à notre curiosité. Ce sentier sera tenu à l’écart d’une zone de quiétude où l’accès est limité du printemps à l’été afin de favoriser la reproduction de l’avifaune.
Assurer la gestion et la valorisation pédagogique des Communaux de l’Hôpiteau représente un travail à mener sur du long terme. D’autres opérations de restauration de la Brande et de mares seront à réaliser, tout comme l’entretien des cheminements ou la mise en oeuvre d’un protocole d’évaluation des modalités de gestion prévue à partir de cet hiver. C’est pourquoi, la Commune de Boussais a décidé, en 2002, de passer un bail emphytéotique avec le Conservatoire qui s’engage ainsi à assurer la gestion du site en lien avec les différents acteurs qui ont contribué à la conduite de ce projet.
Raphaël GRIMALDI, Chargé de Mission Deux-Sèvres Conservatoire d’espaces naturels de Poitou-Charentes
Une espèce remarquable des landes de l’Hôpiteau : La Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis)
Ce site accueille la seule population deux-sévrienne connue de Leucorrhine à gros thorax. D’intérêt européen, elle est inscrite aux annexes II et IV de la Directive Habitats et est classée déterminante à l’échelle régionale.
Cette espèce se développe principalement dans les milieux lentiques oligotrophes ou mésotrophes moyennement végétalisés, fréquemment acides, et situés dans un environnement assez ouvert (friches, landes…), mais présentant la plupart du temps de petites zones boisées ou des secteurs forestiers: mares ouvertes, étangs tourbeux ou non, marais, anciennes carrières, fossés, gouilles (flaques d’eau) et fosses d’exploitation des tourbières à sphaignes, bien plus rarement dans des cours d’eaux lents (canaux, bras morts…).
Volant de début mai à la fin juillet, c’est cependant le mois de juin qui constitue la période la plus favorable pour l’observation des adultes (J. L. Dommanget).
Plusieurs individus ont ainsi pu être observés lors de la sortie nature du 7 juin dernier sur les mares cernées de bruyères.
L’état de ses populations sur les Landes de l’Hopiteau n’est pas précisément connu actuellement. La mise en place d’un protocole de suivi scientifique avec le Conservatoire d’Espaces Naturels permettra d’évaluer plus précisément sa dynamique de population. Sept autres espèces d’Odonates vont aussi faire l’objet de suivis en raison de leur intérêt patrimonial et de leurs « qualités bio-indicatrices ».
Nicolas Cotrel.