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La Fritillaire pintade en Deux-Sèvres : une fleur emblématique

Bilan de trois années d’inventaire des stations de Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris) en Deux-Sèvres (2001-2003)

La Fritillaire pintade

Appelée plus communément Tulipe sauvage, plusieurs noms patois deux-sèvriens, basés sur la forme et la couleur de son inflorescence, décrivent cette magnifique plante à la fleur bien lourde : Coquelourde, Chaudron, Coccigrole, Damier, Paloube…

D’un point de vue plus scientifique, elle tire son nom de genre « Fritillaria » de « Fritillus » (latin) qui signifie « cornet pour jeter les dés » (forme des fleurs) et son nom d’espèce « meleagris » signifiant « pintade » (pétales tachetées comme le plumage de cet oiseau).
Haute de 20-30 cm, cette plante vivace de la famille des Liliacées possède un bulbe presque sphérique. Les pétales de cette fleur forment une cloche, d’une couleur variant du pourpre sombre au blanc crémeux quadrillées de taches. Il est rare de voir deux à trois fleurs sur la même tige. Les feuilles, au nombre de 4 ou 5, de couleur vert-gris sont cannelées, étroitement lancéolées et alternes.
Sous nos latitudes, la Fritillaire fleurit à partir de la mi-mars, avec un décalage de plus ou moins 2 semaines dans les hauteurs de Gâtine et du Bressuirais. La floraison dure environ 1 mois.

La Fritillaire réside uniquement dans les prairies naturelles humides, sous leurs formes plus ou moins évoluées : prairie alluviale inondable (lit majeur des rivières où les crues déposent sables et limons ainsi que les marges des queues d’étang), prairies humides (prairies fraîches de fauche ou pacagées), forêt alluviale inondable (aulnaie-peupleraie à grandes herbes).
Ce sont donc sa floraison précoce, aux habitats qu’elle occupe et à la forme et la couleur de ses pétales que cette fleur est si particulière.

L’ « atlas partiel de la flore de France » (Dupont, 1990) indique que la Fritillaire pintade est particulièrement présente le long des vallées du bassin inférieur et moyen de la Loire, le Centre-Ouest et le bassin de la Garonne. Ce qui situe le Poitou-Charentes et particulièrement les Deux-Sèvres dans le berceau principal de son aire de répartition française.

CARTE :

Protégée dans de nombreuses régions (Languedoc-Roussillon, Franche-Comté, Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Aquitaine…) et départements, la Fritillaire pintade est classée dans la liste rouge de la flore menacée en Poitou-Charentes (Société Botanique du Centre-Ouest, 1998) comme espèce prioritaire et dans la liste régionale des espèces déterminantes en Poitou-Charentes (Poitou-Charentes Nature, 2001) comme espèce déterminante à l’échelle de la région. Ceci fait de cette plante une espèce d’intérêt patrimonial certain.

Depuis une quarantaine d’années, cette plante voit ses effectifs décroître rapidement avec la raréfaction de ses milieux de prédilection. Elle était considérée comme très commune il y a encore peu de temps. P. Dupont, dans l’« atlas floristique de la Loire-Atlantique et de la Vendée » (1991) , précise son statut et son évolution : « Était commune dans les prairies hygrophiles en beaucoup de points des deux départements [Vendée, Loire-Atlantique], mais, a considérablement régressé, du fait du drainage, de la mise en culture ou de la conversion en peupleraies de beaucoup de prairies humides, ou de la fertilisation de celles-ci » et rajoute « l’évolution de cette espèce doit de toute manière être surveillée ».

Bilan de l’inventaire 2001-2003

– Importance des stations :

494 stations, réparties sur 97 communes, ont été recensées durant les 3 ans de cet inventaire. La majorité (40,2%) des stations recensées semble correspondre à des stations relictuelles. Ceci se traduit par un faible nombre de pieds de cette plante (moins de 50) et les milieux occupés : fossés, bords de chemins, de parcelles ou de mare, le long de haies…

C’est à partir de 500 pieds que nous considérons qu’une station est remarquable. 107 zones, soit 21,2%, ont donc été répertoriées. 87% de ces zones étaient situées en prairies et 13% en sous-bois, principalement sous des peupleraies. Les concentrations les plus importantes de ces stations remarquables se situent dans les prairies des communes de Hanc (8) et Clussais-la-Pommeraie (7). Cette vallée et ce marais ont d’ailleurs été proposés par les associations de protection de la nature comme nouveaux sites Natura 2000. La plus importante se situe sur la Sèvre nantaise avec plus de 10 000 pieds.

Répartition des stations par importance en nombre de pieds :

– Milieux occupés

Selon la typologie des plantes sauvages et leurs milieux en Poitou-Charentes (Baron, 1998), la Fritillaire est potentiellement présente dans 2 milieux : prairie alluviale inondable (A3c), forêt alluviale inondable (A6). 9 grands types de milieux présentant des stations de Fritillaire pintade ont été recensés lors de cet inventaire.

Typologie de milieu des stations de Fritillaires

les prairies et marais

Les prairies humides, qu’elles soient pâturées, fauchées ou laissées en friche, sont l’habitat le plus intéressant pour accueillir des stations de Fritillaire pintade : 61 % ont été recensées sur ce type d’habitat. La plupart de ces stations se trouvaient en situation riveraine d’un cours d’eau ou dans un marais. Le caractère inondable de cet habitat est en effet important. L’activité d’élevage permet le maintien de ces habitats prairiaux favorables pour cette plante. L’existence de plusieurs zones de marais assez vastes n’est pas non plus à négliger.

On peut citer :

- le Marais Poitevin (site Natura 2000) : 26 stations dont la majorité comporte de 50 et 100 pieds et se situent dans des prairies ou sous des peupleraies. La plus importante station se situe sur la commune d’Amuré avec plus de 1000 pieds sous une peupleraie inondable. Ce secteur est sous prospecté, ceci est du à la complexité de la prospection (canaux)

- les chaumes de Bougon-Avon (site Natura 2000) : 7 stations d’une taille moyenne de 200 à 500 pieds dont la plus importante (plus de 1 500 pieds) se situe sur la commune de Bougon

- les landes de Chevais (site Natura 2000 proposé) : 54 stations prairiales sur 3 communes (Lezay, Clussais la Pommeraie et Sainte Soline), d’une taille moyenne de 100 à 500 pieds, la plus conséquente comporte 3 000 pieds et se trouve à Sainte Soline

- le marais de Hanc (site Natura 2000 proposé) : les prairies de ce marais comptent 15 stations d’une taille moyenne de 1 000 pieds ! Elle comporte en outre l’une des stations les plus importante s des Deux-Sèvres avec de 2000 à 5000 Fritillaires…

Nombre de stations par vallées


les vallées

Le chevelu important que constituent les vallées en Deux-Sèvres permet la présence de nombreux habitats favorables pour cette plante appréciant les milieux inondables. Les stations présentes dans les vallées sont principalement situées dans des prairies ou sous des peupleraies.

– Sèvre niortaise

36 stations ont été recensées sur cette vallée, principalement en amont de St Maixent l’école. La taille moyenne de ce stations est de moyenne 100 à 200 pieds. La plus importante se situe dans une prairie de St Maxire grâce à 1 500 pieds. La plus importante concentration se stations se situe dans la Prairie mothaise, future ZNIEFF, qui est située entre le Pamproux et la Sèvre niortaise. La présence de 14 stations, d’une taille moyenne de 10 à 50 pieds, ne traduit pas la réalité de ce site : une régression très importante et rapide de cet ensemble de prairies.

– Sèvre nantaise

Peu de stations (17) ont été recensées sur cette vallée. Ceci peut s’expliquer d’un point de vue administratif par le fait qu’une des rives se situe en Vendée et n’a donc pas été prospectée. D’un point de vue agricole, ce secteur présente une pression de pâturage relativement importante, ce qui entraîne un tassement du sol trop important pour permettre à la Fritillaire de « percer ». C’est le long de cette rivière que se trouve la plus importante station du département. S’étalant sur plus de 2 hectares, sur la commune de St André sur Sèvre, cette prairie accueille plus de 10 000 pieds !

– Boutonne

Principalement situées dans des prairies ou des peupleraies, 33 stations ont été inventoriées sur ce bassin. D’une taille moyenne de 200 à 300 pieds, la plus importante de ces populations se trouve dans une prairie de Fontenille-St Martin d’Entraigues avec 1500 à 2000 pieds.

– Thouet

La vallée du Thouet présente 9 stations qui sont principalement répartie en amont sur Secondigny (3 stations) et en aval (entre Thouars et le Maine et Loire). La plus importante de ces stations se situe dans une prairie de St Martin de Sanzay avec plus de 1000 pieds.

– Autize

Malgré une prospection d’une grande partie de son cours et de certains de ses affluents, aucune station de Fritillaire pintade n’y a été recensée.

– Dive du sud

2 stations sur la commune de Sainte Soline ont été trouvées. Situées sur des prairies, elles comprenaient de 50 à 100 pieds de Fritillaire.

Prospecteurs :

46 bénévoles de Deux-Sèvres Nature Environnement ont participé à cet inventaire. Ainsi, ce sont 65% des stations qu’ils ont recensé, soit près de 300 sur tout le département.

Quatre associations (APIEEE, GODS, Nature environnement, CREN) ont participé à cet inventaire et ont ainsi observé 42 stations. La brigade du Conseil Supérieur de la Pêche (CSP) des Deux-Sèvres s’est également particulièrement investie dans cet inventaire par la description et la transmission de 45 stations. La brigade départementale de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (27 stations), deux syndicats de rivière (IIBSN, Syndicat Mixte à la Carte) et deux communautés de communes (Thouarsais, Espace Gâtine) ont également participé à ce travail.

Structures ayant participé à l’inventaire


Perspectives :

Après cet état des lieux, il est indispensable de sensibiliser le grand public et les différents acteurs de l’aménagement du territoire à la préservation des biotopes de la Fritillaire pintade. Les différents acteurs de l’aménagement du territoire qui seront visés sont les collectivités locales (communes, communautés de communes, pays), les syndicats de rivière et les organismes agricoles.

Dans ces documents seront présentés la biologie de l’espèce, les différents habitats qu’elle occupe (prairies alluviales et/ou humides, sous-bous hygrophiles…), sa popularité, sa répartition en Deux-Sèvres, les menaces qui pèsent sur l’espèce ainsi que les préconisations de gestion de ces milieux.

Merci à tous les bénévoles de l’association qui ont participé à cet inventaire, ainsi qu’aux différentes structures qui ont communiqué leurs données.

Inventaire financé par le Conseil Régional Poitou-Charentes
et coordonné par Johanna Corbin puis Nicolas Cotrel

Cartographie de la densité de stations par commune dans les Deux-sèvres



Vous aussi vous souhaitez participer à l’inventaire de la Fritillaire pintade en Deux-Sèvres ? Alors remplissez un tableau du type de la fiche d’inventaire ci-dessous, joignez si possible une copie de carte IGN au 1/25000, et adressez le nous par courrier ou par mail…

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